Je suis très attachée au Plateau de Saclay.
D’abord parce que j’habite à deux pas, dans la vallée de l’Yvette qui borde ce territoire de 5 000 hectares du nord-ouest de l’Essonne. Ensuite parce que sa double vocation (agricole et scientifique) fait écho à mon histoire familiale : deux grands-parents paysans de montagne, deux autres qui avaient les maths et la physique au cœur de leurs métiers. Enfin, parce que depuis 2010, je suis membre active de l’association Terre et Cité qui œuvre jour après jour depuis 2001, avec une détermination sans faille, à ce que l’agriculture perdure sur ce Plateau.
Dernière raison et non des moindres, mais qui, si j’y réfléchis, découle directement des trois précédentes : parce que j’ai publié Terres Précieuses en 2015, un livre dans lequel j’ai recueilli les témoignages de toutes les agricultrices et de tous les agriculteurs du Plateau pour qu’ils ra-content l’histoire de leurs fermes et parlent de leur présent. En 2022, j’ai continué à me passionner pour le Plateau et son agriculture en co-réalisant avec Claire Leluc-Derouin un film, baptisé lui aussi Terres Précieuses, où nous donnons à voir comment, alors que la ville avance sur ce territoire à 20 km de Paris, les agricultrices et les agriculteurs trouvent des solutions pour continuer à faire vivre leurs terres.
J’ai pris conscience, au fil des échanges après les projections du film, que peu de gens du territoire savaient qu’il existe, sur ce Plateau, une protection des terres agricoles unique en France. Au printemps 2023, l’envie m’a alors démangé de raconter l’histoire de cette « ZPNAF » (zone de protection naturelle, agricole et forestière). La faire mieux connaître, elle dont le nom est si peu propice à ce qu’on se souvienne d’elle. Lui rendre ses lettres de noblesse, elle sans qui une part non négligeable des 2 354 hectares agricoles qu’elle protège depuis 2010 sur le Plateau, serait sans doute déjà grignotée par un projet immobilier « indispensable » ici, par une route « absolument nécessaire » là.
De par mon métier (écrivaine-biographe), j’aime écrire des livres qui donnent la parole aux gens. Et je me suis tout de suite dit que si j’avais une petite chance de rendre vivant ce sujet a priori austère (faire un livre sur une loi !), c’était en interviewant toutes les personnes qui ont fait que cette ZPNAF existe et vive : des agriculteurs, bien sûr, des élus locaux, des associatifs, des parlementaires, des institutionnels... De juin 2023 à février 2025, j’ai donc réalisé des entretiens auprès de plus de 75 personnes qui m’ont, chacune, raconté leur « petit bout » de ZPNAF, pourquoi elles s’y étaient intéressées/avaient œuvré sur le sujet, à quoi elles avaient contribué. En quelque sorte, la petite histoire dans la grande.
J’aurais ensuite pu écrire ce livre en faisant moi-même un récit à partir de tous ces témoignages recueillis, le parsemant de citations. Mais la biographe que je suis a préféré laisser vraiment la parole à tous ces acteurs du territoire pour raconter la ZPNAF à travers leurs mots et l’enchaînement de leurs témoignages. Bien sûr, il m’a fallu faire les liens entre tous pour rendre la lecture la plus fluide possible. J’ai pensé aussi que cette façon de raconter, qui surprendra peut-être, mettrait vraiment en lumière à quel point la ZPNAF est née d’une volonté collective locale et de l’action de tous vers un seul et unique but : protéger les terres agricoles du Plateau et lui conserver son rôle de poumon vert à 20 km de la capitale.
C’est enfin pour moi une façon de rendre hommage à tous ces élus, à tous ces associatifs, qui ont incroyablement donné de leur temps et de leur énergie, sans relâche, face à un projet d’État qui arrivait sur leur territoire, dont ils ont voulu préserver la vocation première et la spécificité agricole. Donner un coup de chapeau aussi à ces parlementaires qui ont su écouter les voix du terrain et défendre leur cause lors des examens du projet de loi. Remercier même certaines personnes de l’établissement public d’aménagement qui ont eu l’intelligence de ne pas voir sur le Plateau que « la ville » qu’ils avaient pour mission de construire. Dire toute mon admiration aux bénévoles et aux salariés de Terre et Cité, à sa présidente, pour leur engagement immense et si précieux pour le territoire. Et enfin, mettre en lumière, une fois encore, les agricultrices et les agriculteurs du Plateau qui font un métier on ne peut plus essentiel : nous nourrir.
Martine Debiesse