"Du temps du 35 mm, projectionniste était un métier manuel. Avec le numérique, c’est devenu un métier d’informaticien. Bien que cela continue à faire appel à beaucoup de technicité, c’est différent, il faut d’autres capacités et certains projectionnistes n’ont pas pu s’adapter. Pour se rendre compte de l’évolution, il faut comprendre qu’on avait un système « 35 mm analogique », qui fonctionnait depuis plus de 100 ans, et on est passé brusquement au numérique. C’est en quelque sorte comme si on avait basculé de la machine à vapeur au TGV, sans rien au milieu, sans aucune transition. De très nombreux projectionnistes n’ont pas réussi à sauter le pas, ne s’y connaissant pas en informatique.

Mais inversement, dans les embauches, désormais, on cherche des gens qui « maîtrisent les outils informatiques ». C’est bien, sauf que la société ayant tendance à mettre les gens dans des cases et à les y cantonner, on constate un manque d’universalité, également un manque de curiosité. La plupart des jeunes qui se portent candidats n’ont jamais ouvert un moteur de machine à laver de leur vie, n’en ont même jamais eu l’idée. Ils savent se servir de l’informatique mais ne se demandent plus comment ça marche. Aucun d’eux ne saurait monter un ordinateur. Alors qu’au final, on s’est vite aperçu que, quand on a une panne avec le numérique, c’est encore bien plus complexe que du temps du 35 mm."

Didier Derouin